Sorry for the non-francophone readers of this blog. Below is the letter I have just drafted for the board of the European Journal of Legal Studies, of which I am an editor, in support of Professor Weiler who is being sued by Karin Calvo-Goller for a book review of Professor Weigend he published online. You can read the full details of this extraordinary affair, as made public by Professor Weiler himself in the recent edition of the EJIL.
In a nutshell, the letter denounces this attack on academic freedom of expression. It also hopes that the Court will refuse to go as far as to consider the defences of "truth" and "good faith" which are allowed in French law, because it means that it will have accepted that there was indeed an affront to the honor of the author. And it is a sad day when academic criticism is deemed as such. A judge should not be brought in to decide the "truth" in the world of ideas. Finally, the letter suggests that Mrs. Calvo-Goller has more certainly tarnished her honor as an academic by filing this lawsuit than any book-review possibly could.
The whole academic community should united behind Professor Weiler.
Sans la Liberté de Blâmer, il n’est Point d’Eloge Flatteur
Lettre de soutien au Professeur Joseph Weiler
Par la présente lettre, le European Journal of Legal Studies souhaite publiquement exprimer son profond soutien au Professeur Joseph Weiler dans la procédure en diffamation qui l’oppose à Karin Calvo-Goller.
Le 25 juin prochain, le Professeur Weiler devra se présenter devant un tribunal parisien pour répondre d’une plainte déposée par l’auteur en question, laquelle s’est sentie lésée par la publication d’un compte-rendu de son livre sur le site internet Global Law Books. Le compte-rendu litigieux est écrit par Thomas Weigend, professeur reconnu dans le monde académique pour sa probité et son expertise dans le domaine du droit international pénal. Joseph Weiler, éditeur de la section consacrée aux comptes-rendus de livres et donc juridiquement responsable, est lui-même professeur à NYU. Il est co-fondateur et éditeur du European Journal of International Law, du European Law Journal et du World Trade Review. Par ses écrits il contribue régulièrement à la richesse des débats doctrinaux dans le domaine du droit international.
Certes, le compte-rendu du Professeur Weigend juge de manière assez sévère le livre du Docteur Calvo-Goller. Néanmoins, l’enjeu de cette procédure dépasse largement le cadre de l’ego blessé d’un auteur. En effet, ce procès porte fondamentalement atteinte à la liberté académique et au libre échange des positions intellectuelles, conditions essentielles à l’évolution du débat. L’idéal de John Stuart Mill selon lequel la vérité émerge du débat d’idées trouve sa réalisation la plus aboutie dans le monde académique, où le dialogue permanent (et parfois musclé) entre auteurs, écoles et factions contribue à la richesse et à la diversité des analyses. La procédure en cours risque de sérieusement ébranler cet idéal conformément auquel tout auteur est requis d’accepter la critique de son travail, même lorsqu’elle est des plus cinglantes.
La liberté d’expression a bien sûr des limites dans tous les systèmes juridiques et la critique académique a pour limite l’injure. Cependant, la teneur des propos du Professeur Weigend est bien loin de justifier un procès. Le droit français en matière de diffamation, couvert par la loi de 1881 sur la liberté de la presse, a ceci de particulier que la plainte déclenche automatiquement la tenue d’un procès, sans que le juge d’instruction ne puisse exercer un quelconque pouvoir discrétionnaire quant à l’opportunité des poursuites.
Ce type de procès se déroule en deux étapes. Dans un premier temps, le caractère diffamatoire du compte-rendu doit être établi, c’est-à-dire le fait que les propos de l’auteur portent “atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne” lésée (article 29 de la loi). On peut espérer que le procès s’arrête là; que le tribunal admette que la critique de l’œuvre d’un universitaire ne peut décemment constituer une diffamation sans compromettre le principe de la confrontation des opinions contraires à la base de l’évolution du monde des idées.
Toutefois, en cas de reconnaissance du caractère diffamatoire des propos du Professeur Weigend, une éventualité déjà pour le moins inquiétante, Joseph Weiler disposera des deux moyens de défense que sont l’exception de vérité et la bonne foi. Il devra démontrer que les propos de Thomas Weigend sont vrais et exprimés de bonne foi, en fonction des critères de “la légitimité du but poursuivi, l’absence d’animosité personnelle, la prudence et la mesure dans l’expression, ainsi que la qualité de l’enquête” (CA Paris, 6 juin 2007). Le problème principal est celui de l’évaluation de la ‘vérité’ académique. En effet, dans ce domaine, nous sommes moins confrontés à des faits objectifs, qu’à des conflits de sensibilités et d’opinions. Demander qu’un juge se prononce sur cette ‘vérité’ reviendrait à vouloir trancher judiciairement un débat permanent entre les tenants de théories contradictoires sur une question scientifique légitime, ce qui serait un précédent grave en la matière.
Concrètement, Thomas Weigend critique principalement le fait que l’auteur n’ait pas suffisamment contribué au développement du débat académique, en se contentant de faire référence à des documents déjà existants. En outre, il exprime son désaccord par rapport aux prémisses théoriques de l’auteur, lesquelles ne permettraient pas de saisir toutes les subtilités de la question. Le Professeur Weigend a peut-être tort. Mais si réplique se justifiait, elle aurait dû rester dans le champ du débat d’idées et non s’inviter au prétoire. D’ailleurs, le site internet où a été publié l’article accordait à l’auteur un droit de réponse.
Comme on peut le constater, cette procédure a des implications importantes qui vont bien au-delà du simple cadre judiciaire. L’histoire des idées est remplie de débats, parfois forts ou enflammés, entre penseurs qui ont contribué à notre richesse culturelle. Le débat s’est enrichi des oppositions entre Sartre et Aron, pour ne citer qu’un exemple récent en France, et l’on imagine mal ces deux protagonistes demander à un juge de régler leurs désaccords. Si le tribunal en venait à reconnaître le caractère diffamatoire du compte-rendu, même en acceptant un des moyens de défense mentionnés, il porterait, nous insistons, déjà sérieusement atteinte à la nature de la liberté d’expression dans le monde universitaire. L’honneur d’un académique ne dépend pas de la sacralisation de son œuvre mais, au contraire, de la constante confrontation de celle-ci à la réalité des opinions contradictoires.
Nous avons tous embrassé cette profession par amour du débat, en acceptant le risque de devoir affronter un jour la réfutation publique de nos théories. Le Docteur Calvo-Goller porte plus certainement atteinte à son propre honneur en intentant ce procès que tous les comptes-rendus de son œuvre n’auraient pu le faire. Mais surtout, et plus sérieusement encore, elle porte atteinte à l’honneur d’une profession qui consacre la liberté d’expression comme fondement ontologique de sa raison d’être. Nous sommes confiants; le tribunal saura affirmer cette vérité, la seule qui mérite d’être affirmée dans cette procédure.
Very good letter, Dov!
ReplyDeleteThis is one of those make or break constitutional issues: freedom of academic expression vs. the dignity of the individual.
I wonder if anyone looked up previous "jurisprudence" on this in France? I don't think this would be actionable in most countries.
If I were the judge, I would try to strike it out on the first question: "atteinte à l’honneur, etc." and hold that this cannot constitute such an attack as a matter of law, due to the nature of the review. If you go into the second stage and discuss the "truthfulness" of the review, then the court must act as the arbiter for a complex academic debate and the judge would be wise to avoid that.
wish I understood French so that I could read what your letter says, but I did read the link where the case was summarized by the editor of the relevant journal.
ReplyDeleteIts quite amazing that French courts make absolutely no decision as to whether libel cases may proceed, they are automatically heard in court once a complaint is filed, especially when the complaint is as flimsy as a unfavourable book review (even though the review wasn't even that harsh!)
Excellent letter, you should try to publish in a French daily close to the date of the trial, maybe Le Monde's supplément éducation.
ReplyDeleteL'article pourrait aussi former la base d'une pétition
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